Le 1er juillet prochain, les Canadiens fêteront le 150 ème anniversaire de la promulgation de la Loi constitutionnelle de 1867 appelée Acte de l’Amérique du nord Britannique donnant naissance au Dominion du Canada. L’histoire de cette naissance est souvent mal connue des Français alors que l’usage de la langue française et de la culture qui s’y rattachent ont été au coeur des négociations qui ont abouti à l’émergence du Canada moderne.
Prémices difficiles
Envoyé par la Couronne britannique à la suite des rebellions de 1837 visant à l’Indépendance du Bas Canada ( le Québec actuel à peu de choses près), Lord Durham recommanda d’unir le Haut Canada ( Ontario) et le Bas Canada en une seule et même entité. Ce projet de fusion n’avait pas la faveur des Canadiens-Français qui craignaient de devoir se fondre au sein d’une seule colonie majoritairement dirigée par les Anglais. Cela faisait trois quart de siècle que la Nouvelle France n’existait plus et que les francophones étaient entrés en résistance. La volonté du gouvernement britannique étant d’assimiler les trublions, il écouta les recommandations de Lord Durham et promulgua l’Acte d’Union (Union Act) de 1840 destiné à regrouper les deux colonies en une seule. Le Canada Uni était administré par un gouverneur représentant la Couronne approuvant ou rejetant les lois votées par une assemblée de 84 membres (42 pour chaque ancienne colonie). Mais le Bas Canada francophone comptant 650.000 habitants et le Haut Canada anglophone seulement 400.000, les francophones comprirent qu’il s’agissait de forcer une égalité parlementaire artificielle et s’indignèrent (certains continuant de s’indigner aujourd’hui encore au Québec) que les dettes des deux anciennes colonies soient fusionnées lors de l’unification sans tenir compte de la dette énorme portée par le Haut Canada et que le Bas Canada allait devoir rembourser ! Pire encore, Québec n’était plus la capitale et l’Acte d’Union faisait de l’anglais la seule langue officielle. C’est dire combien l’union des deux colonies canadiennes allait susciter de ressentiment au sein de la population canadienne francophone et la rendre difficile à réaliser dans la pratique. Une période troublée s’annonçait jusqu’à ce que petit à petit, le bilinguisme qui avait cours avant l’Union Act fasse son retour dans les faits et qu’à partir de 1849 le texte de toutes les lois votées en anglais (seule version officielle) soit traduit en français. Alors que la seule immigration autorisée par le gouvernement britannique était en faveur des anglophones, la population du Haut Canada eut vite fait de dépasser en nombre celle du Bas Canada, entraînant de la part des anglophones une demande de changement de constitution leur assurant une représentation proportionnelle au Parlement. Plongés dans une impasse politique et réalisant que l’avenir politique et économique du Canada reposait sur une vision pragmatique des décisions à prendre, un grand nombre de politiciens commencèrent à penser à la création d’un Etat fédéral s’étendant de l’Atlantique au Pacifique d’autant que l’Ouest canadien commençait à se développer. Les provinces maritimes du Nouveau Brunswick et de la Nouvelle Ecosse réalisaient de leur côté l’intérêt qu’elles avaient à se regrouper. La menace d’une invasion militaire américaine parvint finalement à mettre tout le monde d’accord…
Trois Conférences
En 1864, après l’échec de quatre gouvernements éphémères, le pouvoir revint dans les mains d’un gouvernement de coalition prônant l’union avec les provinces de l’Atlantique. Chacun voulait y croire, en particulier les Canadiens-Français qui escomptaient une meilleure représentation canadienne française dans un cabinet fédéral.
Les « Pères » de la Confédération à Charlottetown
Une première conférence se tint en août 1864, à Charlottetown, capitale de l’île du Prince Edouard, une seconde à Québec un mois plus tard où les 36 délégués adoptèrent 72 résolutions qui devinrent les fondements de la constitution à venir. La Conférence de Londres entre décembre 1866 et février 1867 entérinera les résolutions prises précédemment et aboutira à la signature de la Loi constitutionnelle de 1867 qui entrera en vigueur le 1er juillet de la même année.
J.A Mac Donald
C’est John Alexander Mac Donald, futur Premier ministre du Canada qui a rédigé la majeure partie de la constitution mais c’est au francophone George Etienne Cartier que l’on doit les dispositions linguistiques de l’article 133 protégeant le français au Parlement et dans les tribunaux fédéraux.
George-Etienne Cartier
Le même article prévoit que chaque province a le droit de décider de la langue d’usage dans les écoles publiques. Des dispositions furent prises pour les minorités anglophones au Québec mais aucune ne vit le jour pour les minorités francophones des provinces anglaises et cette disparité s’accentua avec l’entrée dans la Confédération du Manitoba, des Territoires du Nord-Ouest vendus au Canada par la Compagnie de la Baie d’Hudson en 1870 et de la Colombie Britannique en 1871. Entrèrent ensuite l’Ile du Prince Edouard (1873), le Yukon en 1898, l’Alberta et la Saskatchewan en 1905, Terre Neuve et Labrador en 1949.
Constitution à 9
Le Canada étant un dominion britannique, seul le Parlement de Londres avait le pouvoir de modifier les principes constitutionnels contenus dans l’Acte de l’Amérique du nord Britannique et ce, malgré l‘Indépendance du Canada consacrée par le Statut de Westminster en 1931.. A partir des années 1920, les parlementaires canadiens tentèrent difficilement de « rapatrier » la constitution afin de pouvoir modifier leur cadre législatif sans passer par le gouvernement britannique jusqu’à ce que le gouvernement de Pierre-Elliott Trudeau présente en 1980 un projet de rapatriement de la constitution assorti de la mise en place d’une Charte des droits et libertés. Certaines Provinces s’inquiètent alors de l’intention du gouvernement fédéral d’agir seul et de vouloir limiter leurs pouvoirs tout particulièrement le Québec dont le gouvernement indépendantiste vient de promulguer la Charte de la Langue française qui fait du français la seule langue officielle de la Province. L’entente sera difficile à réaliser et se fera à l’exclusion du Québec, l’accord étant survenu en l’absence du Premier ministre québécois René Lévesque.
Pierre Elliott Trudeau versus René Levesque
C’est dans ces conditions que sera promulguée le 17 avril 1982 la deuxième constitution canadienne.Les divers gouvernements qui se sont succédés jusqu’à aujourd’hui au Québec ne reconnaîtront jamais cette loi constitutionnelle, isolant un peu plus la province de ses soeurs canadiennes.
Célébrations discrètes
Au cours du premier siècle d’existence du Dominion du Canada, il n’y eut aucune célébration d’envergure particulière à l’exception du 50ème anniversaire de 1917, dédié aux combattants de la Première guerre mondiale et celui du 60ème anniversaire présidé par le Prince de Galles en 1927. Il faut attendre la fin des années 60 pour voir émerger des festivités populaires liées à l’anniversaire de la création du Canada. En 1963, soit presque un siècle après la signature de la loi constitutionnelle de 1867, le Canada se dote de son drapeau fédéral, la feuille d’érable rouge sur fond blanc « D’un océan à l’autre »alors que la province du Québec arbore fièrement son drapeau à fleurs de lys depuis 1948 et que les fêtes de la Saint Jean Baptiste sont rebaptisées « Fête nationale du Québec » lorsque la province se dote de son premier gouvernement indépendantiste en 1976. Projet destiné à promouvoir l’unité nationale, les célébrations du 1er juillet ont toujours eu du mal à intégrer la province francophone. Il ne devrait pas en être autrement cette année.
1er juillet à Montréal
Car si les Québécois célèbrent la fête du Canada le 1er juillet, ils en profitent souvent pour déménager ce jour là.. Il faut dire que les baux locatifs se terminent au 30 juin au Québec à l’heure où les vacances d’été ont déjà commencé et que le quart des déménagements se fait à cette date… Alors on profite souvent à Québec ou à Montréal de la journée de congé pour faire d’une pierre deux coups…
Claude Ader-Martin