Pour la deuxième année consécutive, le sud du Québec s'apprête à vivre un Noël "vert". Il n'est qu'à voir la mine consternée des présentateurs de la météo à la télévision pour se convaincre que la catastrophe est d'importance. Et même si l'hiver n'arrivera qu'avec retard, chacun sait bien qu'il ne manquera pas d'amener son lot de tempêtes, de blizzard et de poudrerie. Un Noël sans neige va en frustrer plus d'un, et alimenter les conversations aux tables du réveillon...
Cela n'empêche pas les Montréalais d'arpenter la grand artère commerciale de leur ville à la recherche des présents qu'ils feront à Noël dans une ambiance musicale propre à la magie des fêtes. Voici la rue Sainte -Catherine qui étire quelques 1200 enseignes sur ses 11 km de longueur. Elle est née à la fin du XIXème siècle au moment de l'avènement des grands magasins. A cette époque, ce sont des immigrants d'origine écossaise qui ont le monopole du commerce moderne dans ce tout nouveau quartier de Montréal. Parmi eux, un certain James Angus Ogilvy qui a débuté non loin de là dans un petit magasin avec un seul commis et qui installe peu avant la première guerre mondiale un des premiers grands magasins " à rayons"sur la rue Sainte-Catherine au coin de la rue de la Montagne. Il y cible la clientèle anglophone huppée de la ville. On trouve de tout dans ce magasin, en quantité : vêtements, livres, meubles. Les achats s'y paient au comptant et comme ses concurrents, l'établissement desservi par le tramway est équipé de l'éclairage électrique et du téléphone. La famille revend l'affaire quinze ans plus tard à un autre commerçant d'origine écossaise qui gardera la même enseigne et va tenter de barrer la route à la concurrence en y installant la première salle de concert symphonique à Montréal. Peu après la Seconde guerre mondiale, pour conforter son image, la maison Ogilvy investit dans un décor de Noël qui vient directement d'Allemagne, fabriqué par le fabricant de jouets Steiff réputé pour ses animaux en peluche.
Les deux vitrines achetées en 1947 qui sont présentées en alternance tous les deux ans ont l'allure des vitrines de Noël traditionnelles mécaniques du nord et du centre de l'Europe. Cette année, un village aux maisons à colombages peuplé d'une cinquantaine d'animaux en peluche animés crée une ambiance délicieusement surannée si on le compare aux vitrines des magasins alentours qui rivalisent d'animations sur écrans plats. Qu'il neige ou pas, on vient de loin pour admirer la vitrine Ogilvy, illuminée de 8h à minuit qui ne repartira dans les combles du magasin qu'aux premiers jours de janvier à moins qu'elle n'aille subir un coûteux rajeunissement de ses rouages en vue d'une prochaine exposition.
Et les badauds de s'agglutiner pour apercevoir lapins, ânons, singes hérissons et canards de la vitrine enneigée ou attendre le joueur de cornemuse qui à l'heure du déjeuner, rappelle avec vigueur les origines écossaises de la maison.
Que ce clin d'œil à cette institution montréalaise soit l'occasion pour AQAF de souhaiter à ses membres et sympathisants un agréable et paisible Noël.
Claude Ader-Martin