Le 16 juillet 1665, le Marie Thérèse, un navire assez modeste commandé par le capitaine Poulet qui transporte quelques engagés et six « Filles du Roy », arrive à Québec avec à son bord une précieuse cargaison en provenance de La Rochelle d’où il est parti deux mois plus tôt: douze juments et deux étalons issus des haras royaux, envoyés par le Roi lui-même qui s’étonne que la Nouvelle-France qu’il vient de nommer « Colonie Royale » ne possède point de chevaux. Il veut que la province, aussi lointaine soit-elle de la France possède un haras, au même titre que toutes les autres province françaises. Depuis la naissance de la Nouvelle-France, les militaires et les administrateurs s’en sont passé. Tout comme les colons, bien évidemment, qui défrichent la terre à mains nues. Puisque la colonie s’apprête à recevoir un Intendant dans la personne de Jean Talon et un Gouverneur dans celle de Jean Rémy de Courcelles, le souverain décide cette mise aux normes qui va se traduire par la création d’une race équine qui existe encore de nos jours.
Confiés aux bons soins des dirigeants de la capitale et aux congrégations religieuses, le cheptel commence à croitre à tel point que certains spécimens sont vite remis à des fermiers qui doivent s’engager à fournir en contrepartie à fournir des poulains à l’Intendant de la colonie. Issus du croisement entre races poitevine et normande, les chevaux d’origine s’adaptent vite aux climat rude en étoffant leurs muscles et en réduisant leur taille. Dix ans après l’arrivée des premiers chevaux, Jean Talon fait savoir au Roi que la Nouvelle-France n’a plus besoin qu’on lui envoie des chevaux, et qu’elle en a assez pour subvenir à ses besoins. Lorsque sera signé le Traité de Paris qui donne la Nouvelle-France à l’Angleterre, on compte alors près de 14.000 chevaux canadiens. Leurs qualités d’endurance les ont rapidement adaptés aux travaux de la ferme et au transport. A la fin du 18ème siècle, la toute jeune Amérique en fait venir un assez grand nombre pour améliorer ses races existantes et au 19ème siècle, le cheval canadien est consacré meilleur cheval de diligence, ce qui lui vaut le surnom de « Petit cheval de fer ».
Immortalisé par le peintre canadien Cornelius Krieghoff, dans ses tableaux de la vie villageoise canadienne-française au milieu du 19ème siècle, le nombre des chevaux canadiens va baisser en raison d’une exportation massive, de l’introduction de chevaux étrangers et de la mécanisation des transports à l’ère industrielle. Au milieu du 20ème siècle, le gouvernement du Québec prend des mesures pour conserver la race mais il faut attendre la fin des années 90 pour que l’Association québécoise du cheval canadien prenne les rênes de la relève en lançant un programme de protection et de promotion de la race d’origine en regroupant les éleveurs. Le petit cheval de fer est maintenant classé parmi les meilleurs au monde en compétition d’attelage. On le retrouve dans les parcs historiques tels que le Village historique acadien de Caraquet et il fait la fierté de la police montée québécoise, consacrant la mission reproductrice des juments du roi qui ont posé leurs sabots pour la première fois en sol canadien il y a juste 350 ans !
Claude Ader-Martin