Rosa Bonheur ou le goût d'une vie libre consacrée à la nature.

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Rosa bonheur ou le goût d'une vie libre consacrée à la nature. 1

Le bicentenaire de la naissance de Rosa Bonheur (1822-1899) à Bordeaux est l'occasion de revenir sur la vie de cette artiste peintre exceptionnelle de l'art animalier, célébrée de son vivant des deux côtés de l'Atlantique. La Ville de Bordeaux lui consacre une rue et une grande exposition rétrospective au Musée des Beaux-Arts, en partenariat avec le Musée d'Orsay ainsi que le Château de By à Thomery en Seine-et-Marne.

Les Bonheur : un clan soudé dans la peinture et la carrière.

Marie Rosalie dite Rosa Bonheur est née et a vécu jusqu'à l'âge de 7 ans à Bordeaux (aujourd'hui au n°29 rue Duranteau). Son père Raymond, artiste peintre, fut son professeur de dessin et sa mère, son professeur de piano. Aux beaux jours, Rosa trouvait du plaisir à s'évader dans la campagne au Château de Grimont à Quinsac chez son grand-père maternel. La famille quittera Bordeaux pour Paris en quête d'un avenir meilleur, ce qui ne fut pas le cas. Ne comptant que sur elle-même, elle se forgea très tôt un fort caractère et un franc parler contre toute autorité. - "J'étais le moniteur général de la petite troupe" (1). Sa passion pour les animaux influença toute la famille pour le genre animalier en peinture ou en sculpture. Comme les cours de l'Ecole des Beaux-Arts était réservé aux garçons, elle entreprit d'étudier par elle-même les ouvrages d'anatomie, ou copier les grands maîtres hollandais du Louvre, et surtout privilégier le terrain, c'est-à-dire arpenter la campagne et fréquenter les paysans, étudier les boeufs dans les abattoirs ou encore les chevaux dans les écuries.

Une oeuvre magistrale, puissante et riche.

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Ses premiers tableaux présentés au Salon furent peu appréciés dans le milieu artistique étriqué et misogyne du 19e siècle mais qu'importe, Rosa apprend vite et elle va donner une touche "virile" à ses peintures en habile stratège. Elle obtint une "permission de travestissement" de la préfecture pour circuler plus librement en pantalon affublée d'une large blouse. Sa pugnacité, son sens de l'observation lui permettent d'atteindre un réalisme presque photographique dans ses peintures de format monumental. Sa carrière décolle dès 1847, elle remporte de nombreux prix et médailles dont celle de 1ère femme peintre à recevoir la légion d'honneur... démontrant ainsi que le "génie n'a pas de sexe" (2). Elle reçoit un accueil triomphal en Angleterre où elle est reçue par la reine Victoria. En véritable femme d'affaires, elle perçoit très vite l'importance des médias et des marchands pour se bâtir une légende, comme celle de Buffalo Bill qu'elle peint en 1889. Sa notoriété dépassera vite les frontières amplifiée par les reproductions de la Maison Goupil qui met l'art à la portée de tous. Sa célébrité internationale se confirme grâce aux chefs d'oeuvre de réalisme que sont Labourage nivernais - 1849 (Paris, Musée d'Orsay) ou Marché aux chevaux- 1852-1855 (New York, Metropolitan Museum) acheté en 1887, par le collectionneur américain Vanderbilt pour le prix record de 280 000 francs. Son portrait équestre de Buffalo Bill lui assure aux Etats-Unis une constante popularité, encore aujourd'hui au Buffalo Bill Historical Center à Cody (Wyoming). Le musée de Bordeaux possède plusieurs études et surtout la Foulaison du blé en Camargue, sa dernière toile et l'une des plus belles en dépit de son inachèvement.

Une icône de l'émancipation des femmes.

Désormais, indépendante, riche et célèbre avec un carnet de commandes bien garni après avoir bravé la frilosité du milieu artistique essentiellement masculin, elle acquit en 1859, le Château de By à Thomery, près de Fontainebleau où elle s'y établit avec son âme soeur : Nathalie Micas qui gère tous ses problèmes d'intendance, entourée de sa ménagerie qui comprend moutons, isards, sangliers ... mais aussi sa chienne Gamine, sa lionne Fathma... Après 53 ans de vie commune interrompue par la mort de Nathalie, elle rencontre la peintre américaine Anna Klumpke qui lui sert d'interprète à l'occasion de sa rencontre avec Bill Cody en 1889. Après dix d'échanges épistolaires, Anna viendra s'installer au domaine de Rosa et y restera jusqu'à son décès en 1899, elle sera la légataire universelle de Rosa Bonheur.

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Portrait de Rosa Bonheur par Anna Klumpke

On peut s'interroger sur la frilosité des notables et du milieu artistique de l'époque, à l'égard de cette artiste la plus médaillée de France. Si les qualités de son art sont reconnues, ce sont davantage son mode de vie indépendant et son excentricité qui heurtèrent la société patriarcale et provinciale du 19e. En fait, Rosa Bonheur, peintre occasionnelle de la Conquête de l'Ouest, est bien plus célèbre aux Etats-Unis et en Angleterre qu'en France.

Cette exposition qui se déclinera sur plusieurs sites est un bel hommage officiel à cette femme bien de notre époque : elle célèbre le goût d'une vie libre. Elle rend compte d'un monde rural presque disparu dont elle exalte la force et la richesse, préférant la tranquillité de la campagne aux mondanités urbaines, ou la compagnie des animaux à celles des hommes.

Anne Marbot d'après les articles de Camille Dussol paru dans la revue "Le festin", n° 121, Mars 2022 et le Nouveau viographe de Bordeaux, Robert Coustet. Ed. Mollat.

  • (1) Anna Klumpke, Rosa Bonheur, sa vie, son oeuvre. 1908, p.138
  • (2) Parole de l'impératrice Eugénie lorsqu'elle lui remit la légion d'honneur.

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