Un soir à Manhattan sur Lexington avenue au coin de la 101 ème rue. Il est presque 23h. Sur le point de fermer boutique, Charles Devigne est le patron sympa qui n'hésite pas à demander au cuisinier de se remettre aux fourneaux pour deux clients fraîchement débarqués dans la Grosse Pomme. Et que faire d'autre sinon tenir compagnie aux dits clients qui se régalent d'une pizza qui n'a rien à envier à celle que l'on roule entre ses doigts du côté de Naples?
The Lexington Pizza Parlour
C'est ainsi que l'on apprend que Charles est américain mais aussi français. Arrivé aux Etats-Unis à l'âge de 11 ans, il s'y est fixé, y a étudié puis fondé une famille. Côté professionnel, le boss est un ancien étudiant en art devenu serveur dans un restaurant de cuisine italienne de Manhattan situé autour de la 86 ème rue, un quartier qui fleure bon les ambassades et les représentations étrangères et où le prix de l'immobilier n'est pas à la portée de tous. De serveur, il devient patron quelques années plus tard. Lorgnant un peu plus haut, vers Uptown, là où Manhattan rencontre Harlem,il fait le pari que ce quartier populaire est promis à un bel avenir et choisit d'y venir vivre avec les siens. Une pizzéria très américaine est justement là, qui n'attend plus qu'un repreneur. Charles Derigne choisit d'en faire une adresse aux accents italiens authentiques : l'incontournable pizza cuite au feu de bois est accompagnée de toute la gamme de la cuisine traditionnielle italienne y compris la polenta nordique et les délicieux canolli siciliens. Le local de "The Lexington Pizza Parlour" ne compte pas plus de 24 couverts mais la maison a basé son activité au moins pour moitié sur la cuisine à emporter dans une ville où l'habitude consiste pour beaucoup à se faire livrer le dîner commandé par téléphone. A la gestion, à la caisse, au service s'il le faut, le franco-américain ne ménage ni son temps, ni son énergie tant il sait que dans ce pays, c'est le sens du service et l'efficacité que les clients apprécient avant tout.
Installé depuis longtemps à New-York, ce parisien d'origine n'oublie pas ses racines françaises même s'il avoue que par facilité et manque de temps, c'est en anglais qu'il s'adresse à ses enfants : "Je passe tellement peu de temps avec eux que je ne me sens pas le courage de leur enseigner le français, alors que ma femme ne le parle pas" concède - t -il. Complètement intégré à son nouveau pays - il a même servi comme cadet dans les Marines- la France reste dans son coeur comme on reste attaché à son village d'origine, tout en sachant que l'on ne pourrait pas y revivre : "trop de complications et de tracasseries administratives" soupire-t il. Il y revient de temps à autre rendre visite à sa mère et à sa grand-mère. Son passé français a le goût des souvenirs d'enfance, des saveurs d'autrefois, des réunions familiales, d'une certaine culture qu'il souhaite transmettre à ses enfants. Mais la vraie vie est ici, à New-York.
Claude Ader-Martin