La vision lors d'un reportage sur les attentats terroristes de novembre dernier d'un jeune homme s'offrant Place de la République à Paris à se faire" hugger", m'a ramenée à ma rencontre au début de l'année dernière avec Arié Moyal. Ce jeune montréalais, croisé dans une synagogue que j'étais allée visiter en raison de l'originalité de son architecture, m'a remis après une brève et très chaleureuse conversation, une carte d'affaires comme on dit là bas. Il y était écrit : "You've been hugged by Arié Moyal et en dessous : Keep the Hugtrain going", ce qui signifie peu ou prou : "Vous avez été câliné par A.M : Encouragez le train des câlins". Quel mystère se cachait là ? Était-ce racontable ? Lorsque je lui posais la question, Arié me répondit à ma grande surprise qu'en France aussi, un mouvement existait qui consiste à distribuer ou recevoir des "câlins gratuits". En France et dans le monde entier y compris dans la lointaine Russie paraît-il. Reste à savoir si Vladimir Poutine s'est fait un jour "hugger" publiquement... Complètement libre d'arrière pensée, le "hug" né d'un Australien qui souffrait de solitude urbaine consiste en une accolade qui s'apparente plus au câlin que l'on partage avec un enfant que celui qui rapproche les joueurs de rugby. Il n'a rien à voir avec une quelconque tentative de séduction et n'a pour but que de montrer à ses semblables qu'on les aime et qu'on veut être aimé d'eux.
L'esprit encombré d'autres priorités, j'ai rangé la carte de visite et oublié le Hugtrain jusqu'à ce que celui ci se rappelle à moi par médias sociaux interposés. Parti de Montréal via Québec et la Nouvelle Ecosse il était rentré à Montréal le 7 janvier après une boucle d'un mois qui l'avait vu traverser le sud du Canada et les Etats Unis d'Est en Ouest avec distribution générale de "free hugs", c'est à dire de câlins gratuits à Washington, New Orléans, Tucson Los Angeles et Chicago. Partant du principe que les périodes des fêtes sont pour certains , autant de sujets de tristesse et de sentiment d'abandon, Arié Moyal lance chaque année sur les rails depuis 2009, son train distributeur de chaleur humaine. Des câlins, il en distribue à la pelle et cela le rend heureux. Cela pourrait paraître risible à nos esprits cartésiens si cela ne nous mettait pas devant une évidence : l'utilisation que nous faisons des moyens de communication ne nous rapproche que virtuellement. Elle nous entraîne le plus souvent à l'étalage de nos activités et réflexions personnelles qui n'intéressent pas grand monde. Et c'est finalement un peu triste de constater que certains ont besoin de"free hugs" pour se sentir membre de la communauté humaine. Car le câlin est gratuit (free), cela va de soi. En ces temps difficiles, Arié et ses semblables ont du pain sur la planche......
Claude Ader-Martin