Lieux de mémoire de l'Amérique francophone : Bordeaux-New Orleans

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Ports de grands estuaires, Bordeaux et la Nouvelle Orléans ont vu se rapprocher les deux courbes de leurs fleuves aux XVIIIe et XIXe siècles ; du port de la Lune ici, à la ville du Croissant là-bas, des centaines de bateaux emportent des marchandises et des hommes.

Villes majeures du commerce transatlantique du vin et des denrées coloniales, entre Saint-Domingue, la Louisiane et la France, elles sont aussi des ports majeurs de la traite négrière, sur laquelle reposait leur prospérité. Terre d’émigration pour des milliers d’Aquitains attirés par ce nouvel Eldorado américain.

Bordelais est l’ingénieur Louis-Pierre Leblond de La Tour, compagnon de Bienville fondateur de la Nouvelle-Orléans en 1718, dont il dessine les plans avec Adrien de Pauger ; le négociant de vins François Seignouret, qui construit des meubles et bâtit dans Royal Street ; le pharmacien Antoine Peychaud, qui prépare dans Chartres Street son bitter pour apéritif. Un homme libre de couleur de New Orleans, Edmond Dédé, dirige l’Alcazar de Bordeaux durant près de 30 ans.

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Les noms et les lieux recensés ici sont les témoins de ces flux croisés et puissants et de tels liens ne se perdent pas lorsqu’on les fait vivre : entrez avec nous dans le Bordeaux louisianais!

I- Place de la Bourse(ancienne Place Royale)

La Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux, créée en 1705, s’installe sur cette place en 1742. Elle s’attache à développer le négoce bordelais et le commerce maritime, en particulier avec les colonies, dont celle de la Louisiane.

A l’occasion de l’Exposition universelle de Paris organisée par Napoléon III en 1855,  la CCI demande aux courtiers d’établir un classement des vins en fonction de la notoriété des crus et du prix de production.  Elle est à l’origine du célèbre classement impérial de 1855 pour les grands crus classés de Médoc et Sauternes.

II- Allées de Tourny

N° 1 : l’Hôtel Gobineau  (1788) en forme d’étrave de bateau, abrite aujourd’hui la Maison du Vin de Bordeaux.  Le marché américain reste une des destinations phares pour le négoce de Bordeaux et sa région depuis le XIXe siècle.   A l’intérieur,  des vitraux signés René Buthaud (1952), représentent les métiers de la vigne et du vin ainsi que les grandes destinations des vins de Bordeaux.

N° 3, Maison Baignol (1802),  architectes Hyacinthe Laclotte et Raymond Rieutord) est souvent désignée sous le nom de « maison égyptienne » en raison de son décor.   Hyacinthe Laclotte (1766-1828) issu d’une dynastie de grands architectes à Bordeaux, part en 1804 à la Nouvelle-Orléans. Son panoramique de la « Bataille de la Nouvelle-Orléans » (gagnée sur les Anglais en 1812, grâce à l'aide des célèbres pirates girondins Pierre et Jean Laffite), devient un tableau emblématique dans l’histoire des Etats-Unis.  Il reviendra à Bordeaux en 1821.

N° 37, Hôtel Meyer (1796) de style néo-classique, au XIXe résidait la famille de Clouet issu du créole louisianais Louis, de Clouet (1766-1848), né à La Nouvelle-Orléans et décédé à Cordoue. Officier de la Louisiane espagnole, comte de La Ferdinandina, et fondateur de Cienfuegos (Cuba) en 1819.  A partir de 1834, sa famille s’allie aux Journu, dynastie de négociants transatlantiques. .  Elle donne en Louisiane des planteurs et hommes politiques,  musiciens comme le chanteur de blues Theryl DeClouet dit Houseman

Proche du Quartier des Grands Hommes et de la rue Esprit des lois : Montesquieu (1689-1755)

Lieux de mémoire de l'amérique francophone : bordeaux-new orleans 1Célèbre écrivain et philosophe, Montesquieu fut aussi propriétaire viticole dans les Graves et un grand voyageur. Inspirateur de la Constitution américaine et un des premiers membres de l’Académie Nationale de Bordeaux (fondée en 1712 comme l’atteste la plaque au n°10, Allée de Tourny)

III- Les Chartrons : un quartier adonné au grand commerce international du vin

Lieux de mémoire de l'amérique francophone : bordeaux-new orleans 5Le pavé des Chartrons, aujourd’hui cours Xavier-Arnozan est un haut-lieu de la grande bourgeoisie cosmopolite très tôt acquise à la cause de la jeune nation américaine.  L’alignement des hôtels particuliers de négociants témoigne de cet âge d’or : Guillaume Lawton (n° 53), Walter Johnston (no 29). Daniel Guestier (du n° 2 à 18) …

N°51 , Hôtel Seignouret : François Seignouret est  parti de Bordeaux en 1803 à bord du navire le «  Franklin » pour la Nouvelle-Orléans où il devient célèbre dans le mobilier en bois exotique dit « à la Seignouret ». De retour à Bordeaux en 1839, il s’installe aux Chartrons et acquiert un important patrimoine immobilier dont la salle Franklin (21 rue Vauban), le domaine de Terrefort (actuel Château Dillon à Blanquefort) sans oublier sa maison de négoce à Bordeaux.

Sa maison à la Nouvelle-Orléans sera vendue au petit-fils de Jules Brulatour, né à Bordeaux en 1813,  lui aussi négociant en vins et également père du co-fondateur d’Universal Pictures .(1)

Lieux de mémoire de l'amérique francophone : bordeaux-new orleans 9N° 1, Hôtel Fenwick construit pour Joseph Fenwick (1762-1849) négociant que le président Washington nomma consul des Etats-Unis en 1791, et ami de Jefferson. De style néoclassique avec son immense balcon et  ses deux belvédères pour surveiller le trafic du port.  D’imposants rostres encadrent  l’imposte de la porte d’entrée.

Lieux de mémoire de l'amérique francophone : bordeaux-new orleans 13N°7, rue Ferrère, Entrepôt Lainé, entrepôt des denrées coloniales et étrangères de Bordeaux construit en 1822 par Claude Deschamps,  est aujourd’hui  reconverti en lieu culturel, le CAPC-musée d’art contemporain. Les principaux matériaux utilisés à l’intérieur sont la pierre de Bourg-sur-Gironde, la brique et le pin d’Oregon.

N° 14,  la chambre de Commerce et des négociants projeta de créer à cet emplacement une halle aux cotons dont la 1èrepierre fut posée en 1818.  Mais ce bâtiment ne fut jamais construit.

Aucune plaque n’évoque le millier d’armements de corsaires bordelais notamment parti pour la guerre d’indépendance américaine et plus tard, les Bordelais et Aquitains dans l’entourage des célèbres frères Laffite à Barataria dans le delta du Mississipi- du banquier Sauvinet au forgeron Old Thiac ou Dominique You-, défenseurs de la Louisiane contre les Anglais (1812).

IV- Quartier Jardin Public

N° 25 ,  Cours de Verdun :  Hôtel McCarthy, acheté en 1778 par le négociant irlandais Daniel Mac Carthy  (1750-1795) directeur de la Chambre de Commerce et cousin des MacCarthy de La Nouvelle-Orléans.  Son château Mac Carthy dans le Médoc est toujours un grand vin de Saint-Estèphe.

Museum d’histoire naturelle : place Bardineau

Installé dans l’Hôtel de Lisleferme (XVIIIe), il abrite depuis 1862, de belles collections dont plusieurs spécimens de « tortues boîtes (terrapene) d’Amérique » ainsi que quelques crânes d’alligator et un alligator Mississippienis.

Son pendant au XIXe est l’Hôtel Calvet qui abrite l’Académie ainsi que de nombreux souvenirs de Montesquieu.

Lieux de mémoire de l'amérique francophone : bordeaux-new orleans 17Jardin Public

Au bord de la rivière serpentine du Jardin public, on trouve de nombreux cyprès chauves  (Taxodium distichum),  grands conifères à feuilles caduques, essence caractéristique du bayou de la Louisiane et de la vallée du Mississippi jusqu’au golfe du Mexique. Les cyprès chauve du Jardin public ont été plantés en 1856 par le pépiniériste Alphonse Escarpit au moment de la restauration du jardin.

V- Quartier Hôtel de Ville

Lieux de mémoire de l'amérique francophone : bordeaux-new orleans 21N°39, rue Bouffard : Musée des Arts décoratifs et du Design-MADD

« La Jeune Amérique »(Ecole Française, fin XVIIIe), ce buste en terre cuite, représentation allégorique du continent, provient de l’Hôtel Fenwick.

Le miniaturiste Louis Antoine Collas (1775-1856 ?) nous laisse ici quelques portraits de négociants.  Grand voyageur, il s’installe à la Nouvelle-Orléans où il réalise de nombreux portraits de personnalités créoles ou politiques.

Vous pourrez également admirer quelques beaux meubles portuaires en acajou ainsi qu’un salon d’une grande dynastie de négociants : les Guestier.

Cathédrale Saint-André

Lieux de mémoire de l'amérique francophone : bordeaux-new orleans 25A l’entrée de la nef, avant le chœur se trouve à gauche le tombeau par Dominique Maggesi du Cardinal de Cheverus (1768-1836) qui fut le premier évêque de Boston avant de venir à Bordeaux en 1826.  Sur la place Pey-Berland, quelques pacaniers, arbres emblématiques des relations franco-américaines. (4)

A proximité, la rue Elisée Reclus (1830-1905) nous rappelle que ce géographe engagé, de renommée internationale s’exila dans sa jeunesse en Louisiane où il vécut  quelques années sur la plantation Fortier en 1855.

Cours Pasteur : Musée d’Aquitaine

L'exposition permanente Bordeaux au XVIIIe siècle, le commerce atlantique et l'esclavage, évoque les différents aspects de l’esclavage aux colonies françaises et de la société créole, telle que la Louisiane l'a connue, surtout après l'arrivée des colons réfugiés de Saint-Domingue au tournant du XIXe siècle.

Place de la République(ancienne Place d’Armes)

Domicilié à cette adresse, le Bordelais Joseph Parlange partit en 1837 pour la Nouvelle-Orléans où il séjourna 7 ans comme négociant.   Il est le frère du colonel Charles Géraud Parlange (1816-1867) qui épousa la célèbre marquise Marie-Virginie Trahan (1818-1887), née à Saint-Martinville et héroïne du roman de Denuzière sur la plantation Parlange de Pointe Coupée.

N°23, rue Chai-des-Farines

Lieux de mémoire de l'amérique francophone : bordeaux-new orleans 29Autrefois, emplacement d’un jeu de paume et  d’une salle de spectacle avant l’incendie de 1750.   Cette adresse est aussi celle du négociant  bordelais Raymond Locoul (1796-1850) qui devient par son mariage avec une riche héritière louisianaise, propriétaire de la plantation Laura (2) et un des plus grands distributeurs de vins de Louisiane en 1830.

VI-Quartier de La Bastide

Lieux de mémoire de l'amérique francophone : bordeaux-new orleans 33Lieux de mémoire de l'amérique francophone : bordeaux-new orleans 37N° 13, place Stalingrad, au 1erétage, une succession de baies jumelées qui évoque les palais florentins ou vénitiens, marque lafaçade de l’ancien théâtre de l’Alcazar,  devenumusic hallen 1861.  Un lieu ouvert à toutes les nouveautés musicales, grâce à l’arrivée d’un musicien de couleur originaire de la Nouvelle-Orléans en 1867,  le compositeur et violoniste Edmond Dédé (1827-1901) qui en dirigea l’orchestre durant 27 ans.

Anne Marbot avec la collaboration de Gilles-Antoine Langlois, Jacques de Cauna et Alfred Lemmon du HNOC-Historical New Orleans Collection.    

(1) La Maison Seignouret- Brulatour, située au n°520 Royal Street à la Nouvelle-Orléans, sera consacrée à un espace culturel sur l’histoire de la Nouvelle-Orléans.

(2) Laura Plantation est  le premier site touristique de la culture francophone créole en Louisiane.

(3) De passage, au Château Carbonnieux, Jefferson fit livrer des pacaniers aux moines de Sainte-Croix, propriétaires du Château à l’époque

Le saviez-vous ?

Quais de Garonne et allées de Tourny, une adresse pour les nouveautés musicales.

L’inventeur autoproclamé du jazz en 1901, le bouillonnant Jelly Roll Morton, créole,  de son vrai nom Ferdinand Joseph LaMothe, était d’origine gasconne.

En 1917, la ville s’anima avec l’arrivée des soldats afro-américains à Bordeaux qui  retrouvaient le public bordelais sur les quais de Garonne dans les restaurants et cafés concerts du centre ville.  Bordeaux a accueilli les plus grands noms du Jazz New Orleans.

Cimetière de La Chartreuse

Créé en 1791, dans l’enclos de l’ancien couvent des Chartreux, le cimetière de la Chartreuse, est situé dans le périmètre classé UNESCO.  Déjà reconnu par Stendhal comme l’un des plus beaux de France, il accueille depuis des siècles des personnalités dont :

  • le négociant François Seignouret repose dans une chapelle signée Gustave Alaux (5° série, n° 133);
  • la chapelle néoclassique érigée en 1837, par le négociant Guillaume Marmiche, pour sa jeune épouse Euphrosine Périllat, née à la Nouvelle-Orléans.(5e série, n°6);
  • le tombeau d’inspiration antique de Célestin Chiapella, propriétaire du Château la Mission Haut-Brion (2° série, n°47) et la sépulture de la veuve E. Angaud « of New Orleans » (située près du bâtiment administratif).

Des investisseurs américains dans le vignoble à Bordeaux dès le XIXe.

Lieux de mémoire de l'amérique francophone : bordeaux-new orleans 41Régisseur de plantations,  le néo-orléanais Célestin Chiapella  (1774-1867) acquiert en 1821,  le Château La Mission Haut-Brion, un vin déjà renommé dont il va moderniser le vignoble. Sa marque CC est très en vogue dans les restaurants américains de l’époque.

En 1983, Domaine Clarence Dillon SA, déjà propriétaire du Château Haut-Brion achète le domaine.  Une continuité américaine et un clin d’œil à l’histoire avec d’un côté  le Château Haut-Brion, un des vins préférés de Thomas Jefferson et le Château de la Mission Haut-Brion avec sa touche néo-orléanaise.

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